Théorie de la connaissance

La Nature se dévoilant à la Science. Allégorie de Louis-Ernest Barrias.

La théorie de la connaissance a été assimilée à la philosophie de la connaissance et à la gnoséologie[1].

Lorsque la théorie de la connaissance est assimilée à la philosophie de la connaissance, elle fait partie de la philosophie selon une certaine géographie[2] :

  • continentale : la théorie de la connaissance porte sur toute la connaissance et l'épistémologie porte sur la connaissance scientifique,
  • anglo-saxonne : la philosophy of science porte sur les méthodes et résultats scientifiques et la gnoséologie porte sur la connaissance en général.

Depuis les travaux d'Edgar Morin, entre autres, la théorie de la connaissance est le plus souvent transdisciplinaire, multi dimensionnelle et multi factorielle[3]. De ce fait, elle semble ne plus pouvoir rester totalement incluse dans le domaine de la philosophie.

La théorie de la connaissance, inventaire raisonné des instruments nécessaires pour connaître[4], étudie :

  • la nature de la connaissance et sa variété ;
  • les origines de la connaissance ;
  • les contenus, les critères d'évaluation et la valeur de la connaissance (séparer le vrai du faux) ;
  • les moyens et les conditions de la connaissance ;
  • les limites éventuelles de la connaissance en particulier de la connaissance humaine.

Bien sûr, la théorie de la connaissance actualise la connaissance de la connaissance, sans être l'Histoire de la connaissance qui est une discipline spécifique.

Une grande partie des travaux qui relèvent de cette discipline sont consacrés à l'analyse de la connaissance, c'est-à-dire à la détermination de ses conditions nécessaires et suffisantes. Il s'agit plus précisément d'établir quelles relations entretient la connaissance avec notamment la croyance et la vérité, et quelles procédures de justification permettent de distinguer chez un individu les connaissances qui relèvent :

  • d'une simple croyance vraie (qui peut l'être par accident). Ex : Certaines personnes pensent que la terre tourne autour du soleil sans avoir fait le parcours intime de la justification. Pour elles cette connaissance est une croyance vraie.
  • d'une véritable connaissance intimement justifiée.

Milieu relatif à la connaissance

La théorie de la connaissance est en lien avec :

  • les sens (vue, ouïe, odorat, toucher, goûter) et les capacités cérébrales (attention, perception, conscience, traitement, mémoire, imagination, intelligence…) et donc les neurosciences,
  • les stades de développement d'un être vivant et donc avec l’ontogenèse et la psychogenèse dès le stade de l'embryon, puis du nouveau-né, puis adulte, et du « grand âge »,
  • les relations interpersonnelles (l'altérité) et donc avec la psychologie et la communication,
  • la culture et plus généralement avec l'éthologie et l'ethnologie,
  • la recherche,
  • la science et donc l'épistémologie,
  • la transmission des savoirs, les modes d'apprentissage et donc avec la pédagogie et les sciences de l'éducation, et plus généralement les sciences cognitives,
  • l'ontologie et la philosophie,
  • l'organisation sociale, et donc avec l'anthropologie, la sociologie, l'économie, et l'économie du savoir.
  • toutes les techniques de gestion, transmission, code / décodage, cryptage, stockage, archivage des corpus de connaissance (matériels ou immatériels).

La théorie de la connaissance traite des relations existant entre la connaissance et[3] :

La théorie de la connaissance analyse les conséquences de la connaissance :

  • son pouvoir politique,
  • son pouvoir économique,
  • ses risques.
Nota pour les sciences :

Origines de la théorie de la connaissance

Aristote

Modèle de Francis Bacon

Selon le philosophe anglais Francis Bacon, ce sont les observations et les expériences qui nous donnent accès au réel, et la théorie en découle par généralisation induction. Pour Bacon, la construction de théories est donc un processus d'apprentissage supervisé[6].

Modèle de Karl Popper

Pour Karl Popper, les scientifiques construisent au gré de leur imagination, en fonction des données et des théories alors acceptées, les hypothèses les plus diverses, notamment des mises à l'épreuve de ces théories, avant d'éliminer celles qui sont réfutées par les observations et les expériences. C'est la réfutabilité qui distingue une théorie scientifique d'une affirmation métaphysique. Elle en est le critère de démarcation.

Tournant du XXIe siècle

Selon Philippe Descola la théorie de la connaissance tente de s'émanciper des cultures et des périodes historiques qui ont présidé à son élaboration et elle s'ouvre à la diversité[7]. Pascal Picq propose même d'actualiser le pari de Pascal : « Par-delà les controverses […], ne pourrait-on reprendre le principe éthique de ce pari pour les générations futures, en agissant pour préserver [les biodiversités naturelle et domestique] ainsi que la diversité culturelle qui leur est liée ? »[8]. Edgar Morin, Philippe Descola et Pascal Picq, entre autres, invitent l'humanité à respecter la diversité historisée des sources de la connaissance et des cosmogonies. Quitte à user du « droit d'inventaire ».

Premier pas introductif dans la théorie de la connaissance

Suivant son contexte d'utilisation, la proposition « la terre tourne autour du soleil » :

  • a été historiquement une hypothèse ou un pari ou une croyance tant que personne n'a été en mesure de la démontrer rationnellement.
  • est un savoir car elle est issue d'un corpus d'astronomie dûment validé par la communauté scientifique. Une fois formalisé, un savoir existe de manière indépendante.
  • est une croyance vraie pour un individu qui affirme ce savoir mais qui ne sait pas l'expliquer.
  • est une connaissance pour un individu qui sait expliquer ce savoir pour lui-même et/ou pour autrui.

Chaque étape demande des compétences particulières, entre autres…

Le modèle théorique de l'accès à la connaissance

Jean-Michel Besnier se demande (p. 14)[4] : « Comment s'effectue cette élaboration qui a conduit au savoir ? Par quels prismes la réalité est-elle passée avant de devenir un objet pour le sujet qui connaît ? ».

La synthèse de diverses entrées donne la schématique suivante :

Le Réel ⇔ la Réalité ⇔ la Représentation ⇔ La Théorie ⇔ Le Modèle ⇔ l'explication du réel ⇔ l'anticipation de la recherche et l'Observateur en lien avec chaque entité / Référentiel.

  • Le Réel : le cosmos, un morceau du cosmos.
  • La Réel observable : la partie perceptible du réel, soit directement, soit via des instruments de plus en plus sophistiqués. Ce niveau peut être assimilé au non linguistique.
  • La Réalité : La description de l'observation du réel observable en utilisant un langage. Nous en arrivons au linguistique.
  • La Représentation : « l'idée du » ou « l'idée que l'on se fait du », « le monde », les cosmogonies, etc. fait partie aussi du « linguistique ».
  • la Théorie ou l'hypothèse : la tentative d'explication (au 1er tour) par la déduction, l'induction, l'intuition, l'imagination, la créativité… utilisant ou pas des mathématiques et de la logique.
  • le Modèle : la réification de la théorie ou de l'hypothèse par une analogie plus ou moins numérique.
  • l'explication du réel : la mise en mots du résultat permettant la validation ou la critique, ainsi que la justification et/ou la vérification par un Autrui.
  • l'anticipation : ce que la théorie, le modèle et l'explication permettent de prévoir en plus, à plus ou moins long terme… Ce qui permet la réfutabilité selon le principe basique « Si… Alors" ou "Sinon… Alors » : « si l'hypothèse ou la théorie est bonne alors le fait suivant ne peut/doit pas se produire ». « Si ce fait se produit alors l'hypothèse ou la théorie est fausse ou incomplète ».
  • l'Observateur : celui qui agit avec :
Nota : La majuscule pour indiquer des différences ontologiques.

Selon C. Castoriadis :

  1. le monde se prête indéfiniment à des organisations ensidiques [voir théorie des ensembles et de leurs relations],
  2. le monde n'est pas épuisable par ces organisations (objets et/ou relations).

Voir la création de connaissance dans l'article connaissance.

Création de connaissance

La connaissance, celle de la définition, peut être acquise :

1- directement par l'observation du réel avec des tours de main, des outils, des instruments de mesure plus ou moins sophistiqués, les médecins utilisent le terme de la clinique
  • issue du Cosmos, ou de la Nature,
  • issue de l'être (vivant, humain, non humain),
  • issue des corpus culturels existants.
2- indirectement comme le résultat issu, notamment :
  • la résolution d'une équation qui décrit le fonctionnement du réel (théorème de Pythagore, formule de l'oxydo-réduction en chimie, etc.),
  • l'utilisation d'un modèle copiant analogiquement le réel (girouette, maquette à échelle réduite, etc.), d'un modèle mathématique qui synthétise la résolution de plusieurs équations décrivant le réel, ou modèle mixte (analogique et mathématique),
  • l'utilisation d'un simulateur copiant numériquement le réel (par exemple : météorologie, ou simulateur qui accélère l'histoire d'un processus réel, etc.),
  • l'utilisation d'une expérience qui met en œuvre une hypothèse sur le fonctionnement possible ou probable du réel.

Des controverses existent sur la qualification en connaissance valable (au sens de la définition) des résultats acquis à partir de modèles, simulateurs ou expériences qui sont censées représenter :

  • des anticipations (sondages)…
  • des comportements… Exemples simples : simuler le marché avec le modèle de la concurrence pure et parfaite, avec le modèle du tous les consommateurs sont raisonnables, en l'absence d'un sous système (intégré dans le modèle) qui soit lié à la spéculation sur les monnaies… qui ne sont pas représentatifs du réel mais de l'idée que l'on se fait du réel.

Hervé Barreau : « […] il faut inventer l'hypothèse qui sera mise à l'épreuve, si du moins l'on se propose d'accroître la connaissance » et plus loin : « S'il y a un progrès en science, c'est par la dénonciation des erreurs, non par la confirmation de l'acquis, qui est toujours provisoire et susceptible de révision »[9].

Détails des relations dans le milieu spécifique à la connaissance

Voir aussi les articles connaissance et connaissance (philosophie).

Lien entre la connaissance et la croyance

En regard de l'un des objectifs de la théorie de la connaissance qui est relatif à la détermination des conditions nécessaires et suffisantes pour pouvoir parler de connaissance, il y a lieu d'évoquer les points suivants :

Croyance vraie justifiée

Selon Platon[réf. nécessaire], la connaissance est à l'intersection de vérités et de croyances

L'approche classique définit la connaissance comme une croyance vraie et justifiée. C'est ainsi qu'à la fin du Ménon Platon propose de définit la connaissance ainsi (il conteste cependant cette idée dans le Théétète)[10]. Cette définition exclut les cas où un individu a une croyance vraie, mais où il n'est pas en mesure d'expliquer pourquoi cette croyance est vraie. L'individu peut ainsi croire que la terre tourne autour du soleil (proposition p) par exemple par ouï dire, sans être capable de l'expliquer. La proposition p est vraie, mais l'individu n'a pas la connaissance que la terre tourne autour du soleil. Il s'agit pour l'individu d'une croyance.

La justification de la croyance est donc l'élément crucial de cette analyse traditionnelle de la connaissance, et de nombreuses théories contemporaines cherchent à en déterminer précisément la nature et les modalités ; la théorie de la justification est l'une des principales branches de la théorie de la connaissance.

Le terme de « connaissance » a longtemps désigné, en philosophie, des croyances dont la vérité est justifiée de manière certaine. Toute croyance présentant un moindre degré de justification constitue à ce compte une « opinion probable » (ou connaissance par provision). Ce point de vue prévaut encore dans l'œuvre de Bertrand Russell (notamment dans les Problèmes de Philosophie, 1912). Au cours des décennies qui suivirent, l'idée selon laquelle le degré de justification des croyances doit s'évaluer en termes de certitude a perdu en influence.

Aujourd'hui les cognitivistes estiment qu'un individu maîtrise une connaissance lorsqu'il est en mesure d'expliquer rationnellement sa croyance vraie. Exemple : L'individu annonçant que c'est bien la terre qui tourne autour soleil (leçon apprise à l'école) et qui se montre capable d'en faire la démonstration pour lui-même ou pour autrui.

Lien entre la connaissance et le(s) savoir(s)

Un savoir individuel a d'abord été une connaissance pour un individu (un : à minima).

Une fois formalisé (à minima : par écrit), le Savoir existe indépendamment de l'Individu.

La théorie de la connaissance s'intéresse à la transmission des savoirs d'un individu sachant vers un individu ou un collectif apte et volontaire pour apprendre.

La stratégie, la pédagogie, les moyens de cette transmission sont les aspects les plus importants pour tenir l'objectif d'une transmission exhaustive et opérationnelle chez l'apprenant.

La médiation par un individu sachant est d'autant plus importante qu'il y a un tour de main ou des astuces à acquérir dans la maîtrise par un apprenant d'un savoir.

Lien entre la connaissance et l'information

Lionel Naccache dénonce la confusion entre la connaissance et l'information ; et clarifie l'enjeu : « La connaissance est une histoire de Je. Une histoire de sujets qui en vivant cette expérience [de la connaissance - information] quotidiennement courent le risque de réviser leurs modèles de croyances et d'interprétations du monde et d'eux-mêmes »[11].

Edgar Morin nous invite « à dissiper l'illusion qui prétend que nous serions arrivés à la société de la connaissance »[12]. Il précise « la connaissance pertinente est celle qui est capable de situer toute information dans son contexte, et si possible dans l'ensemble ou elle s'inscrit. […] La connaissance progresse principalement, non par sophistication, formalisation et abstraction, mais par la capacité à contextualiser et à globaliser. […] La connaissance n'est connaissance qu'en tant qu'organisation mise en relation et en contexte des informations »[13].

Lien entre la connaissance et la technique

Dans les œuvres encyclopédiques relatives à la théorie de la connaissance, il est courant de trouver des études sur les liens entre la connaissance et la science ou encore les liens entre la connaissance et la culture. Dans ce contexte, le niveau d'abstraction du langage permet de discourir sans avoir recours aux caractéristiques techniques d'un quelconque domaine faisant appel à des systèmes de connaissances lui étant spécifique (langage spécialisé, objets, méthodes, difficultés, risques…).

Étant donné que la technique ne laisse pas naturellement place à l'abstraction, ses liens avec la connaissance sont peu évoqués. Dès l'invention des outils, puis la mécanisation de la production, la technique s'est imposée à l'individu, à la société, et à la civilisation, en raccourcissant le temps nécessaire à leur intégration de la connaissance.

On compte de plus en plus de contributions éditoriales indépendantes de philosophes, de sociologues, et d'historiens critiques (à charge et à décharge) de la connaissance issue de la Technique. Il faut dire que ce ne sont pas les problématiques qui manquent dans l'espace qui relie la connaissance d'un problème avec le choix de la technique de résolution :

  • le chômage technologique, l'obligation de se former tout au long de la vie,
  • la financiarisation de l'économie en dehors de tout critère de l'économie réelle : titrisation des CDS et CDO, les produits dérivés, etc.
  • financiarisation du spectacle et du loisir…
  • les robots et l'intelligence artificielle, la surveillance des lieux et des personnes…
  • l'animal-machine : lait, viande, fromages, médicaments, recherche, etc. et le biomimétisme… La Terre-machine : géothermie, éoliennes… le cosmos-machine…
  • les progrès dans la synthèse de processus vitaux. Par exemple: cœur artificiel, procréation, soins de fin de vie…
  • l'informatique en réseau type Big Brother, les objets connectés, le marketing 3.0, le marketing viral
  • les sur-prothéses (faire plus en l'absence de handicap !) et les visions du transhumanisme et/ou du post-humanisme : le corps éternel…
  • les nanotechnologies

Dans cette liste, tout n'est pas à charge : il manque des méta études encyclopédiques à verser dans la théorie de la connaissance. Par exemple le biomimétisme permet

  • d'oublier le réflexe : Terre = exploitation de ses ressources, supposées infinies…
  • au profit d'un modèle : Terre = source de connaissances à copier, à mimer…

Bruno Latour, Isabelle Stengers, Vinciane Despret, Tobie Nathan dans leurs articles et ouvrages invitent à donner une parole, une représentation politique aux différentes entités du non humain : le parlement des choses.

Actualisation de la notion : théorie complexe de la connaissance

Edgar Morin[3], dans le cadre de son œuvre sur l'intelligence de la complexité (épistémologie complexe) et plus particulièrement du tome 3 de La méthode a écrit un ouvrage sur la connaissance de la connaissance. Il considère que la connaissance comporte en elle : diversité et multiplicité. Dès lors la théorie de la connaissance ne saurait être réduite à :

  • une seule dimension : individuel, collectif, universel…
  • un seul aspect : information, perception, description, idée, théorie…
  • une seule source : la science, la culture…
  • une architecture pyramidale, mais plutôt un réseau de liens tissés entremêlés évolutionnistes…

Edgar Morin estime que : « Nous, habitants du monde occidental et occidentalisé subissons sans en avoir conscience 2 types de carences cognitives : 1) les cécités d'un mode de connaissance qui, compartimentant les savoirs, désintègre les problèmes fondamentaux et globaux, lesquels nécessitent une connaissance transdisciplinaire. 2) l'occidentalo-centrisme qui nous juche sur le trône de la rationalité et nous donne l'illusion de posséder l'universel. Ainsi, ce n'est pas seulement notre ignorance, c'est aussi notre connaissance qui nous aveuglent »[14]. « Notre mode de connaissance [compartimentation en disciplines non communicantes, hyper spécialisation des experts, l'actualité tue la connaissance…] a sous-développé l'aptitude à contextualiser l'information et à l'intégrer dans un ensemble qui lui donne sens. [… Ce] mode de connaissances parcellarisé produit des ignorances globales. […] A cela se combinent les limitations : 1) du réductionnisme, 2) du binarisme [à tiers exclus], 3) de la causalité linéaire qui ignore les boucles rétroactives [ou les récursivités], 4) du manichéisme qui ne voit qu'opposition entre le bien et le mal »[15]. « Dès lors, le développement de l'aptitude à contextualiser et à globaliser les savoirs devient un impératif de l'éducation »[16]. « La réforme de [la théorie de] la connaissance appelle une réforme de pensée. La réforme de la pensée appelle de la reliance qui puisse relier les connaissances entre elles, relier les parties au tout, le tout aux parties, et qui puisse concevoir la relation du global au local et du local au global. Nos modes de pensée doivent intégrer un va-et-vient constant entre ces niveaux (voir introduction à la pensée complexe) »[17],[12]. « C'est la réforme de pensée qui permettrait le plein emploi de l'intelligence pour répondre aux 3 défis (culturel, sociologique, civique) et qui permettrait la liaison des deux cultures disjointes (humanités et sciences). Il s'agit d'une réforme, non pas programmatique mais paradigmatique, qui conserve notre aptitude à organiser la connaissance »[18].

Complexification liée à l'assurance-réassurance

Lionel Naccache affirme qu'« aujourd'hui la connaissance ne fait plus peur à personne alors que depuis trois mille ans notre culture occidentale n'a cessé de la décrire comme vitale et dangereuse »[11].

Complexification liée au retour du citoyen

Isabelle Stengers, invite à un ralentissement de la Science afin que le citoyen puisse apprécier « où va le monde » dans sa globalité par suite des activités scientifiques mais aussi techniques et politiques qui lui sont liées. Elle y reprend notamment le concept de Bruno Latour de « matter of concern », c'est-à-dire de « matière à préoccupation », que chaque citoyen peut éprouver vis-à-vis de techniques comme les OGM, les champs de colza-pétrole sur les terres vivrières, ou les champs d'éoliennes ou de panneaux solaires sur des terres agricoles, l'acharnement thérapeutique[19]

Accès à la connaissance

L'accès libre à la connaissance est une nécessité en termes de liberté et de démocratie. Cela impose des solutions de stockage, d'archivage et de gestion des entrées / sorties pour consultation ad hoc en liens avec les techniques en vigueur.

Le handicap, quel qu'il soit, ne doit pas être une double peine quant à l'accès à la connaissance.

L'inquiétude générée par la numérisation des contenus existants dans le domaine public (bien commun) par des sociétés privées sans garantie d'accès libre à priori est justifiée.

La protection des données personnelles et le droit à l'oubli (personnes décédées, événements, etc.), notamment sur Internet et les réseaux sociaux, sont des sujets contemporains.

Les pouvoirs de la connaissance

Les pouvoirs de la connaissance à mettre en lien avec la connaissance des pouvoirs : Jean-Michel Besnier : « le citoyen attend de la démocratie qu'elle conjugue et pondère l'un par l'autre le savoir et le pouvoir »[4].

Son pouvoir politique

La connaissance apporte un pouvoir. Les écarts de connaissance entre parties non coopératives peuvent générer des déséquilibres préjudiciables.

Dimension individuelle

Le pouvoir acquis par celui qui détient la connaissance a des limites légales et/ou règlementées.

L'école de la république a pour mission de donner à chaque citoyen une éducation permettant le vivre ensemble. L'école de la 2e chance tente de redonner confiance à des personnes n'ayant pas pu profiter pleinement des dispositions de base. La formation continue tout au long de la vie s'inscrit dans ce dispositif de transmission et d'actualisation des connaissances.

Dimension collective

L'union faisant la force, les individus se regroupent en réseau multi compétences pour former une entité ayant un rapport de force, une force de pouvoir.

Son pouvoir économique

Voir aussi économie de la connaissance

La connaissance est un enjeu économique

La recherche et l'innovation sont stimulées car la connaissance acquise est source :

  • d'amélioration et de progrès,
  • de revenus futurs, de maintien dans/sur le marché.

Ainsi :

  • Une nouvelle connaissance peut - ou parfois même doit - être protégée pour en tirer profit (dépôt d'un brevet par exemple). C'est une source de revenus via du chiffre d'affaires, des honoraires ou des commissions (flux) et une source de capital matériel ou immatériel (Stocks au bilan d'une entreprise). De plus, la protection de l'avantage concurrentiel apporté par une nouvelle connaissance fait l'objet de dispositions en matière de secret industriel et/ou commercial à minima.
  • D'autres préfèrent considérer la connaissance comme un Bien Commun et donc partager la connaissance ou en faire don : Wikipédia, le logiciel libre, les copyleft, le bénévolat, l'éducation populaire… On parle plus généralement d'économie du don, d'économie du partage, et d'économie sociale et solidaire, de nouvelle économie…

La connaissance est source de déséquilibres économiques

Sur un marché libre, l'écart de connaissance est préjudiciable à l'une au moins des parties.

C'est un des facteurs qui permet de voir apparaître par exemple :

Réponses morale ou éthique, judiciaire

De façon préventive

  • dans le cadre individuel : la connaissance des réponses éthiques permet d'éviter des dérives issues de ce pouvoir acquis par la maîtrise d'une nouvelle connaissance (complexe de supériorité, arrogance, harcèlement…).
  • dans le cadre des entreprises ou des ordres professionnels, le système promu de valeurs collectives est exprimé via un document d'éthique (qui s'apparente plutôt à une morale interne !) et/ou un document de déontologie (qui s'apparente à un règlement interne !). Documents opposables en interne et aussi document de communication en externe.

De façon amiable ou par le contentieux

L'appel à la justice via le médiateur ou le tribunal ad hoc.

Réponses politiques

Le parlement des choses

Bruno Latour propose un parlement des choses pour donner une représentation à chaque objet de la connaissance exploité par l'humanité.

Les risques

L'analyse de risques (cindyniques) permet :

  • les mesures préventives qui tuent le risque,
  • les mesures correctives qui diminuent les conséquences de la survenue d'un risque.

La loi et des principes posent les cadres de ces deux types de mesures :

  • Principe de précaution
  • Principe de prévention
  • Les interdits légaux

Quelques conséquences de la connaissance

Sur la curiosité

« L'éducation doit favoriser l'aptitude naturelle de l'esprit à poser et résoudre les problèmes et corrélativement stimuler le plein emploi de l'intelligence générale. Ce plein emploi nécessite le libre exercice de la faculté la plus répandue et la plus vivante de l'enfance et de l'adolescence, la curiosité, que trop souvent l'instruction éteint »[16].

Sur le doute

Le développement de l'intelligence générale requiert de lier son exercice au doute [méthodique], levain de toute activité critique, [… et qui] comporte le doute de son propre doute[16].

Sur la sérendipité

Le développement de l'intelligence générale comporte un ensemble d'attitudes mentales… qui combine le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d'esprit, la débrouillardise, l'attention vigilante, le sens de l'opportunité… pour initier à la sérendipité, art de transformer des détails apparemment insignifiants en indices permettant [de constituer une création ou] de reconstituer une histoire[16].

Ne pas négliger de traquer les signaux faibles en complément aux analyses des tendances lourdes

Sur l'art

La connaissance amplifie les champs de créativité, de création.

Sur l'humour

L'humour est un antidote au sérieux du trop de connaissances et à l'éventuelle arrogance du sachant.

Sur la jouissance intellectuelle

Le bonheur d'apprendre, la joie du partage, la lumière issue de la discussion…

Théorie de la connaissance en France

Au Collège de France, les chaires suivantes ont été créées :

  • de 1962 à 1990, une chaire de Philosophie de la connaissance, dont le titulaire était Jules Vuillemin.
  • de 1986 à 1990, une chaire d'Épistémologie comparative, dont le titulaire était Gilles-Gaston Granger.
  • de 1995 à 2010, une chaire de Philosophie du langage et de la connaissance, dont le titulaire était Jacques Bouveresse.

Bibliographie

  • Yvon Bélaval, « De la métaphysique à la théorie de la connaissance », Dix-huitième Siècle (numéro thématique : L'année 1778), no 11,‎ , p. 249-256 (lire en ligne).
  • Gaston Rabeau, « Théorie de la connaissance », Revue des Sciences Religieuses, t. 19, no 1,‎ , p. 91-102 (lire en ligne)
  • Gabriella Crocco, « Intuition, construction et convention dans la théorie de la connaissance de Poincaré », Philosophiques, vol. 31, no 1,‎ , p. 151–177 (lire en ligne)
  • (en) Laurence BonJour, The Structure of Empirical Knowledge, 1985
  • (en) Roderick Chisholm, Theory of knowledge, 1989
  • Jean-Michel Besnier, Les Théories de la Connaissance, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2005 (ISBN 978-2-13-055442-4)
  • Edgar Morin, La connaissance de la connaissance, tome 3 de La méthode, Seuil Points Essais, 1986 (ISBN 9782020144407)

Notes et références

  1. (it) Treccani Enciclopedia. gnoseologia
  2. Godin Christian, Dictionnaire de philosophie, Paris, Fayard, , 1534 p. (ISBN 9782213621166), épistémologie p 420
  3. Morin Edgar, La connaissance de la connaissance La Méthode tome 3, Paris, Le Seuil, , 244 p. (ISBN 9782020144407)
  4. Besnier Jean Michel, Les théories de la connaissance, Paris, PUF Que sais-je ?, , 128 p. (ISBN 9782130590217)
  5. Morin Edgar, Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Paris, Le Seuil, , 130 p. (ISBN 9782020419642)
  6. Gilles Dowek, « La bonne stratégie pour apprendre », Pour la science, no 477,‎ , p. 22
  7. Philippe Descola, L'écologie des autres. L'anthropologie et la question de la nature, Versailles, Quae, , 110 p. (ISBN 9782759209118)
  8. Picq Pascal, De Darwin à Lévi-Strauss. L'homme et sa diversité en danger, Paris, Odile Jacob, , 281 p. (ISBN 9782738112248), p. 252
  9. Barreau Hervé, L'épistémologie, Paris, PUF Que sais-je ? 8e ed., , 127 p. (ISBN 9782130626077)
  10. Si, à la fin du Ménon, Socrate, le personnage de Platon, identifie la connaissance à une croyance vraie qui peut être justifiée par un lien causal, dans le Théétète, passant en revue un certain nombre de définitions possibles de la connaissance, il conteste l'identification de la connaissance à la « croyance vraie justifiée ». Si la justification, en effet, est encore une croyance, il n'y a que deux croyances (on ne comprend alors pas comment cela peut constituer un savoir), mais si elle est un savoir celui-ci n'est pas expliqué (or c'est ce que l'on cherchait à faire par cette définition).
  11. Naccache Lionel, Perdons-nous connaissance ? De la mythologie à la neurologie, Paris, Odile jacob, , 243 p. (ISBN 9782738123268)
  12. Morin Edgar, La voie. Pour l'avenir de l'humanité, Paris, Fayard, , 138 p. (ISBN 9782213655604), p. 146
  13. Morin Edgar, La tête bien faite. Repenser la réforme. Réformer la pensée., Paris, Seuil, , 155 p., p. 16-17
  14. Morin Edgar, La voie. Pour l'avenir de l'humanité, Paris, Fayard, (ISBN 9782213655604), p. 17
  15. Morin Edgar, La voie. Pour l'avenir de l'humanité, Paris, Fayard, , 308 p. (ISBN 9782213655604), p. 145
  16. Morin Edgar, La tête bien faite. Repenser la réforme. Réformer la pensée., Paris, Seuil, , 155 p. (ISBN 9782020375030), p. 24-27
  17. Morin Edgar, introduction à la pense complexe, Paris, Seuil points essais no 534,
  18. Morin Edgar, La tête bien faite. Repenser la réforme. Réformer la pensée, Paris, Seuil, , 155 p. (ISBN 9782020375030), p. 21
  19. Stengers Isabelle, Une autre science est possible ! Manifeste pour le ralentissement des Sciences, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, La découverte, (ISBN 9782359250664)

Voir aussi

Articles connexes

Médias utilisés sur cette page

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La définition classique de la connaissance selon Platon.
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La Nature se dévoilant à la Science (1899). Auteur : Ernest Barrias (1841-1909). Musée d'Orsay, Paris
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Auteur/Créateur: Binant, Licence: CC BY-SA 4.0
Gilles Gaston Granger, Epistémologie, CNAM, Paris, 2000. (Archives Philippe Binant)
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Auteur/Créateur: a. zielinska, Licence: CC BY-SA 3.0
J. Bouveresse, French philosopher, at Sorbonne.