Discours sur les sciences et les arts

Discours sur les sciences et les arts
Image illustrative de l’article Discours sur les sciences et les arts
Édition princeps

Auteur Jean-Jacques Rousseau
Pays France
Genre Essai
Éditeur Barillot & fils [i. e. Noël-Jacques Pissot]
Lieu de parution Genève [i. e. Paris]
Date de parution

Le Discours sur les sciences et les arts est un texte de Jean-Jacques Rousseau écrit dans le cadre du concours de l’Académie de Dijon de . Jean-Jacques Rousseau donne la parole au héros romain Fabricius par la prosopopée dans son Discours[1],[2]. Lauréat du concours, Rousseau voit son essai, qui est à contre-courant des idées des Lumières de son temps, très critiqué mais lui doit, à 38 ans, une célébrité polémique, douze ans avant son œuvre majeure Du contrat social.

Résumé

Comme le veut le concours, le discours répond à une question : il s’agissait alors de déterminer « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». L’auteur présente en deux parties une diatribe contre les sciences et les arts qui corrompent les mœurs et éloignent les hommes de la vertu et de leurs qualités guerrières.

Rousseau s'y réfère à un mythique âge primitif :

« On ne peut réfléchir sur les mœurs, qu'on ne se plaise à se rappeler l'image de la simplicité des premiers temps. C'est un beau rivage, paré des seules mains de la nature, vers lequel on tourne incessamment les yeux, et dont on se sent éloigner à regret. Quand les hommes innocents et vertueux aimaient à avoir les dieux pour témoins de leurs actions, ils habitaient ensemble sous les mêmes cabanes »

Mais

« Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection. (…) On a vu la vertu s'enfuir à mesure que leur lumière s'élevait sur notre horizon, et le même phénomène s'est observé dans tous les temps et dans tous les lieux. »

Selon Rousseau, les sciences et les arts n’ont fait que corrompre les mœurs et camoufler le joug des tyrans en occupant les hommes à des futilités et leur faisant oublier leur servitude. En effet « les sciences, les lettres et les arts étendent des guirlandes de fleurs sur les chaînes de fer dont les hommes sont chargés, étouffent en eux le sentiment de cette liberté originelle pour laquelle ils semblaient être nés, leur font aimer leur esclavage et en forment ce qu'on appelle des peuples policés. » La multiplication des commodités de la vie, le perfectionnement des arts firent s’évanouir les vertus militaires.

« Si la culture des sciences est nuisible aux qualités guerrières, elle l'est encore plus aux qualités morales. C'est dès nos premières années qu'une éducation insensée orne notre esprit et corrompt notre jugement. Je vois de toutes parts des établissements immenses, où l'on élève à grands frais la jeunesse pour lui apprendre toutes choses, excepté ses devoirs. »

Contre le savoir corrupteur des sciences, des lettres et des arts, Rousseau valorise l’ignorance et la simplicité vertueuse. Il attaque le raffinement et l’affinement des hommes habitués aux sciences et aux arts, et leur oppose une image d’hommes vigoureux et guerriers. Délétères au plus grand nombre, sciences et arts ne nuisent toutefois pas aux grands hommes tels René Descartes ou Isaac Newton :

« Il n’a point fallu de maîtres à ceux que la nature destinait à faire des disciples. Les Verulams, les Descartes et les Newtons, ces précepteurs du genre humain n’en ont point eu eux-mêmes, et quels guides les eussent conduits jusqu'où leur vaste génie les a portés ? »

La publication de ce texte suscitant de vives polémiques, Rousseau a répondu à certains critiques. Ainsi, le duc de Lorraine, roi déchu de Pologne, Stanislas Leszczynski a publié une Réponse au discours qui a remporté le prix de l’Académie de Dijon à laquelle Rousseau a répliqué par des Observations de Jean-Jacques Rousseau, de Genève, Sur la Réponse qui a été faite à son Discours[3].

Chronologie

  •  : Rousseau prend connaissance de la question de l’Académie de Dijon en lisant le Mercure de France. Il discute de son projet avec Denis Diderot et en commence la rédaction.
  •  : Envoi du texte à l’Académie de Dijon.
  •  : l’Académie décerne le prix au Discours.
  •  : Publication du Discours sur les sciences et les arts, sans nom d'auteur mais avec la simple mention : Par un citoyen de Genève. De ce fait, la mention de l'éditeur genevois est un subterfuge car l'ouvrage sort des presses de la librairie Pissot à Paris[4].

Notes et références

  1. Catherine Dubeau, Annie Cloutier et Pierre-Marc Gendron, Savoirs et fins de la représentation sous l'Ancien Régime : actes des colloques jeunes chercheurs du Cercle interuniversitaire d'étude sur la République des lettres (CIERL), 2001-2002, Laval, Presses Université Laval, , 246 p. (ISBN 978-2-76378-308-6, lire en ligne), p. 10.
  2. Jean-Louis Giovannoni, Écritures de la pensée, Seyssel, Champ Vallon, , 190 p. (ISBN 978-2-87673-463-0, lire en ligne), p. 89.
  3. Jean-Jacques Rousseau, Œuvres de Jean Jacques Rousseau : Discours qui a remporté le prix à l'académie de Dijon en l'année 1750, t. 1, Amsterdam, Marc Michel Rey, , 484 p. (lire en ligne), p. 64.
  4. Raymond Trousson, Jean-Jacques Rousseau : la marche à la gloire, t. I, Paris, Tallandier, , 511 p. (ISBN 978-2-23501-784-8, lire en ligne), p. 269.

Bibliographie

  • Gérald Allard, « La Pensée de Jean-Jacques Rousseau dans les Discours », Laval Théologique & Philosophique, , no 40 (2), p. 187-202.
  • Marcel Francon, « Sur deux additions faites par Rousseau à son premier discours », Modern Language Notes, , no 62 (5), p. 342-43.
  • Victor Goldschmidt, « La constitution du Discours sur les sciences et les arts de Rousseau. », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1972, no 72, p. 406-27.
  • Victor Goldschmidt, « Le Problème de la civilisation chez Rousseau (et la réponse de D'Alembert au Discours sur les sciences et les arts) », Jean-Jacques Rousseau et la crise contemporaine de la conscience, Paris, Beauchesne, 1980, p. 269-316.
  • Kiyotaka Kawaï, « Politique et culture dans le Discours sur les sciences et les arts et dans la Lettre à d’Alembert », Jean-Jacques Rousseau, politique et nation, Paris, Champion, 2001, p. 823-29.
  • Michel Launay, « Les Pouvoirs du mot peuple chez Jean-Jacques Rousseau », Peuple et pouvoir : études de lexicologie politique, Lille, PU de Lille, 1981, p. 117-125.
  • Michel Launay, « Vocabulaire de la politique et vocabulaire de la morale dans le Discours sur les sciences et les arts et la polémique née de ce discours », Hommage à Pierre Nardin (philologie et littérature françaises), Monaco, Belles Lettres, 1977, p. 157-66.
  • Jean-Pierre Le Bouler, « D’Alembert et le 'premier discours' de Rousseau », Studi Francesi, May-Aug. 1987, no 31 (2), p. 203-215.
  • Chun-Bok Lee, « La Mise en accusation de la société civilisée dans le premier discours de J.-J. Rousseau », Journal: College of Arts & Essays, Hankuk University of Foreign Studies, Seoul, 1988, no 21, p. 257-269.
  • Louise Marcil-Lacoste, « Rousseau et ses concurrents », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1992, no 303, p. 250-55.
  • Roseann Runte, « L’Usage de la rhétorique dans les Discours », Études sur le Discours de Rousseau, Ottawa, N. Amer. Assn. for the Study of Jean-Jacques Rousseau, no 1988, p. 73-80.
  • Jean Terrasse, « La Statue de Glaucus », Études sur le Discours de Rousseau, Ottawa, N. Amer. Assn. for the Study of Jean-Jacques Rousseau, no 1988, p. 61-71.
  • Raymond Trousson, « Deux lettres du P. Castel à propos du Discours sur les sciences et les arts », Essays on Diderot and the Enlightenment in Honor of Otis Fellows, Genève, Droz, 1974, p. 292-301.

Sources

Liens internes

Liens externes

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D'après Jean-Marc Nattier, Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Bibliothèque-musée de la Comédie-Française) -001.jpg
Personne représentée : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732–1799), dramaturge français
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