Évaporation

Évaporation de l'eau de pluie sur un toit.

L'évaporation est le passage d'un liquide de l'état liquide à l'état gazeux à sa surface[1], à une température inférieure à la température d'ébullition. Ce phénomène a pour effet d'absorber de l'énergie thermique, et donc de réduire la température des deux milieux en contact, ou de freiner leur échauffement par une source.

Histoire

Le mot évaporation est emprunté au latin impérial evaporatio, -ionis[1].

Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, on s'intéresse à l'aspect thermodynamique du phénomène et Joseph Black met en évidence la notion de chaleur latente de vaporisation (1761).

John Dalton est le premier, en 1802, à donner une loi de vaporisation pour l'eau faisant intervenir la différence entre pression de vapeur saturante et pression partielle[2]. Il publie ses travaux en même temps que ceux établissant la loi de Dalton sur les pressions partielles.

La dynamique du phénomène au niveau microscopique est établie par Heinrich Hertz[3] en 1882 et Martin Knudsen[4] (1909) et Irving Langmuir[5] en 1917, conduisant à la loi connue aujourd'hui sous le nom de relation de Hertz-Knudsen.

Phénoménologie

Processus microscopique d'évaporation et de condensation en surface de liquide.

L'évaporation d'un liquide se produit principalement lorsqu'une de ses surfaces est libre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas enfermée par un autre liquide ou par un solide.

Sous l'action de la chaleur — c'est-à-dire l'énergie thermique sous forme d'agitation moléculaire ou rayonnements — contenue dans le liquide, quelques molécules de surfaces sont propulsées dans le gaz, gagnant ainsi en énergie cinétique. L'interface entre le liquide et le gaz est appelée couche de Knudsen. La quantité de liquide projetée dans l'air dépend de la température de liquide, de la quantité de liquide déjà présente dans l'air, ou saturation, et de la pression de vapeur saturante.

Dans un volume libre au-dessus d'un liquide formé de molécules d'une espèce chimique donnée, certaines molécules de cette espèce se trouvent alors sous forme gazeuse. À l'équilibre thermodynamique, la pression gazeuse obtenue définit la pression de vapeur saturante, qui dépend de la température. Si le liquide est constitué d'un mélange d'espèces, celles-ci se retrouvent dans le gaz avec des pressions partielles égales à la pression de vapeur saturante de chacune d'entre elles.

Lorsque la pression partielle de la vapeur dans le gaz est inférieure à la pression de vapeur saturante, une partie des molécules passe de la phase liquide à la phase gazeuse : c'est l'évaporation, qui demande de fournir la chaleur latente correspondante. Pour un système fermé, ceci a pour effet de refroidir le liquide.

Pour une seule espèce

Vitesse d'évaporation de l'eau, surface balayée par une atmosphère neutre (pas d'ébulliton, ).

Dans le cas d'une unique espèce chimique, il n'existe pas au niveau microscopique de plan géométrique interfacial entre les deux milieux : les molécules de la région interne (le liquide) sont liées à leurs voisines dans une géométrie complexe. Si elles acquièrent une énergie cinétique suffisante du fait d'un apport d'énergie externe, l'enthalpie de vaporisation, elles peuvent se libérer dans le milieu adjacent nommé couche de Knudsen, qui forme une partie de la phase gazeuse dans laquelle le milieu est loin de l'équilibre thermodynamique. Au contraire, une molécule qui arrive au contact peut contracter une liaison qui en fera une partie du liquide.

Ce mécanisme est décrit par la relation de Hertz-Knudsen, donnant le débit massique par unité d'aire de l'interface au niveau macroscopique :

est la pression, la pression de vapeur saturante, la masse molaire et un coefficient d'efficacité du phénomène dépendant de l'espèce et de la température (coefficient de « collage », en anglais « sticking coefficient ») tel que . est la constante universelle des gaz parfaits. peut prendre des valeurs comprises dans une large plage, d'une valeur proche de l'unité pour les métaux à des valeurs de l'ordre de 0,01 à 1 pour des liquides[6]. La valeur pour l'eau est voisine de l'unité[7].

L'équilibre, correspondant à un débit nul, est atteint lorsque . La condensation correspond à un débit négatif. Condensation et évaporation ne sont donc qu'un seul phénomène physique et ne diffèrent que par leur bilan final.

Pour plusieurs espèces

Pour un milieu formé de plusieurs espèces dont les potentiels d'interaction en phase liquide sont semblables entre eux et avec les autres composants, la loi de Hertz-Knudsen reste valide pour chaque constituant en multipliant sa pression de vapeur saturante par sa fraction volumique dans le liquide, conformément à la loi de Raoult, et en remplaçant la pression par la pression partielle. Ceci suppose que le milieu gazeux se comporte comme un mélange de gaz parfaits obéissant à la loi de Dalton[8],[9].

Ceci n'est pas toujours vrai, en particulier dans le cas d'espèces liquides dissoutes dans un solvant pour lesquelles les liaisons polaires avec le solvant diminuent la pression de vapeur d'équilibre. On parle alors d'une diminution d'activité chimique liée au solvant.

Problèmes couplés

Démonstration du refroidissement par évaporation d'éthanol.

Il existe beaucoup de problèmes où l'évaporation est couplée à un autre phénomène modifiant le milieu gazeux. Il peut s'agir de diffusion comme dans l'évaporation d'un nuage de gouttes dans les problèmes de combustion interne ou de l'évaporation en milieu poreux comme le séchage. Il peut également s'agir de convection comme dans les problèmes d'évaporation de surfaces d'eau (mers, lacs).

Dans tous les cas l'apport (ou non) d'énergie joue un rôle primordial dans l'évolution du phénomène qui est endothermique. Par exemple l'évaporation de 1 gramme d'eau à 25 °C nécessite environ 2 400 joules (580 calories), soit la même énergie que pour élever la température de 580 grammes d'eau de °C.

Différences entre évaporation et ébullition

L'ébullition se produit lorsque la pression de vapeur saturante devient supérieure à la pression totale initiale du milieu. Il y a alors emballement du phénomène de changement de phase avec augmentation de la surface interfaciale par création de bulles.

L'évaporation est donc un phénomène surfacique où les molécules à la surface passent progressivement d'un état à l'autre alors que l'ébullition est un phénomène volumique (les bulles naissent dans le liquide).

Évaporation de l'eau

L'évapotranspiration est un phénomène indispensable dans le cycle de la vie sur Terre. Le cycle de l'eau (l'eau liquide s'évapore, se re-condense en nuage, puis retombe en pluie ou neige) est une partie de ce cycle.

L'évaporation demande en général une importante quantité d'énergie (l'enthalpie de vaporisation), ce qui permet par exemple la régulation de température chez les homéothermes par transpiration et évaporation de la sueur, ou encore le rafraîchissement d'une cruche en terre, ou de l'air par nébulisation (aérosol d'eau).

Évaporation par mois et par couverture du sol en Allemagne, années 1893-2014.

Chez les plantes, la transpiration végétale est essentielle pour le transport des nutriments. En effet, grâce aux liaisons hydrogène, les molécules d'eau fonctionnent comme une chaîne, se « tirant » les unes les autres. Ainsi, l'eau qui est puisée dans les racines de la plante est transportée jusqu'aux feuilles grâce à la propriété de la cohésion de l'eau et des cellules conductrices végétales.

Notes et références

  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Évaporation » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  2. (en) John Dalton, « Experimental Essays on the Constitution of Mixed Gases: On the Force of Steam or Vapour from Water or Other Liquids in Different Temperatures, Both in a Torricelli Vacuum and in Air; on Evaporation; and on Expansion of Gases by Heat », Memoirs and proceedings of the Manchester Literary & Philosophical Society, Manchester, vol. 5,‎ , p. 536–602.
  3. (de) Heinrich Hertz, « Ueber den Druck des gesättigten Quecksilberdämpfes », Annalen der Physik und Chemie, vol. 17,‎ (lire en ligne).
  4. (de) Martin Knudsen, « Experimentelle Bestimmung des Druckes gesättigter Quecksilberdämpfe bei O° und Höheren Temperaturen », Annalen der Physik, vol. 29,‎ (lire en ligne)
  5. (en) Irving Langmuir, « The Condensation and Evaporation of Gas Molecules », PNAS, vol. 3, no 3,‎ (lire en ligne).
  6. (en) B. Paul, « Compilation of Evaporation Coefficients », ARS Journal, vol. 9, no 2,‎
  7. (en) Purnendu Chakraborty et Michael R. Zachariah, « Sticking Coefficient and Processing of Water Vapor on Organic-Coated Nanoaerosols », Journal of Physical Chemistry A, vol. 112,‎ , p. 966-972 (lire en ligne)
  8. (en) Van P. Carey, Liquid-Vapor Phase-Change Phenomena, CRC Press, (ISBN 1591690358)
  9. (en) Robert W. Schrage, A Theoretical Study of Interphase Mass Transfer, Columbia University Press,

Annexes

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Évaporation de l'eau de pluie sur un toit
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Expérience sur le refroidissement par évaporation.
Lorsque la sonde est trempée dans l'éthanol, le thermomètre montre que celui-ci est à la température de la pièce. Lorsque la sonde est sortie du liquide, l'éthanol restant sur celle-ci "utilise" la chaleur de cette dernière pour s'évaporer, ce qui amène une baisse de température de la sonde.
Expérience réalisée et expliquée par le professeur Oliver Zajkov de l'Institut de physique de l'université Saints-Cyrille-et-Méthode de Skopje de Macédoine.